Le manuel de l’autiste

Préface de Kristien Hens

Le Manuel que vous allez lire est exceptionnel à plusieurs titres. Il réussit à donner une introduction à l’autisme aux niveaux historique et théorique, en y incluant toutes les nuances qui en font un phénomène kaléidoscopique. Les auteurs ont combiné les expériences de la recherche, de la clinique et des témoignages personnels pour produire une mine d’informations inestimable pour les personnes autistes et leurs proches. Quand on travaille comme chercheur, clinicien, ou, comme moi, comme éthicienne dans le domaine de l’autisme et avec des personnes autistes, il n’est pas toujours facile de trouver les
mots justes pour apprécier et même célébrer les différents modes de penser et de percevoir, sans toutefois nier les épreuves rencontrées. Ce Manuel a réussi ce défi. Il présente l’autisme comme une manière d’être valable, appréciable. En même temps, il n’évite pas les questions difficiles, la souffrance, le suicide, le désir de « normalité » de certains. J’ai beaucoup aimé les vignettes qui décrivent des situations variées bien identifiables pour des personnes autistes
et leur entourage. Ce Manuel aborde des sujets qui, dans l’histoire de l’autisme, sont souvent négligés, comme l’expérience des femmes autistes, la sexualité, le fait d’être un parent autiste et les périodes de transition, de l’adolescence vers la maturité par exemple. Mais il clarifie également, dans des termes accessibles, des aspects techniques et scientifiques relatifs à l’autisme et dénonce vivement la désinformation par rapport aux vaccins ou à l’origine de l’autisme. Les auteurs reconnaissent également les difficultés rencontrées par les chercheurs pour intégrer de manière authentique le point de vue autiste dans leurs pratiques. Comme
éthicienne, chercheuse dans les domaines de la diversité et du développement, je pense que notre plus grand devoir est d’étudier et de comprendre le passé pour pouvoir créer un futur dans lequel toutes les personnes, typiques ou atypiques, ont la possibilité de s’épanouir, et de « vivre mieux avec leurs particularités », comme le disent les auteurs. Je suis sûre que ce Manuel va les aider dans cette réalisation.

Pr Kristien Hens
Investigatrice principale, European Research Council (ERC) NeuroEpigenEthics, université d’Anvers, Département de philosophie, Anvers, Belgique

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Préface de Stephan Eliez

Dans ce Manuel de l’autiste, la structure des chapitres, la qualité et l’actualité des informations scientifiques en font sans aucun doute, pour les années à venir, un ouvrage de référence. Tant dans le réseau des associations de familles que dans celui des professionnels, chacun saura bénéficier de ce manuel pour sa propre connaissance, mais aussi comme un outil de partage avec ses patients ou ses proches. Tout en faisant usage de concepts cliniques des études les plus récentes en autisme, les auteurs parviennent avec brio à rendre compte à tout un chacun des derniers résultats, en empruntant un langage accessible à toutes et à tous.
Les auteurs, toutes et tous particulièrement familiers avec le sujet, apportent une grande sensibilité et une profondeur dans la compréhension des TSA, et le Manuel de l’autiste dévoile ainsi avec soin la richesse du monde et de la culture de la communauté des personnes autistes.
Le poids des mots et son impact sur notre société n’échappent pas à la réalité autiste, ni à ce manuel, qui rend sa part d’humanité aux premiers concernés et à leurs familles. Il remet au centre les personnes autistes, leurs intérêts, leurs singularités, leurs questionnements et leurs expériences, par une brillante combinaison alliant données cliniques, témoignages et faits historiques. Ce faisant, ce livre participe à une meilleure acceptation et inclusion de la réalité autistique.
D’où vient l’autisme ? Comment voit-on le monde lorsque l’on est autiste ? Quelles sont les différences entre enfants et adultes ? Comment se manifeste l’autisme chez les femmes et chez les hommes ? Véritable compagnon de route dans la prise en charge de son propre TSA à travers chaque période de la vie, cet ouvrage guide les personnes autistes et leurs proches dans le monde de l’autisme, pour apporter de la clarté, de l’indulgence et des pistes de réflexion.
Sans jugement, les auteurs démontrent comment, pour s’épanouir, il convient de prendre en compte non seulement les particularités liées à l’autisme mais aussi les troubles psychiques qui peuvent y être associés. En traitant sans détour et sans pudeur des thèmes aussi complexes que le rapport au corps, la prise en charge médicale, les troubles associés ou le suicide, ce livre permet finalement de traiter des grandes questions que peuvent rencontrer les autistes en offrant des clés de compréhension riches, variées et constructives.
L’autisme n’aura plus aucun secret pour vous et pour votre entourage !

Pr Stephan Eliez
Département de psychiatrie de la faculté de médecine de l’université de Genève et médecin directeur général de la Fondation Pôle Autisme

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Préface de Josef Schovanec

« Un spectre hante l’Europe. » Durant tant de décennies, tous les écoliers d’Occident récitaient, un frémissement dans la voix, ces mots illustres qui, rappelons-le pour les plus jeunes générations, ouvrent le Manifeste du parti communiste. À ceci près que le spectre de notretemps pourrait être plus l’autisme que le communisme. Singulier destin, quand on y songe, que celui de ce jeu de mots polysémique d’un psychiatre suisse tombé dans l’oubli, le Pr Bleuler, et qui, il y a peu encore, tenait de l’OVNI dans le paysage médical, quelque part entre curiosité d’antiquaire de la psychiatrie, lubie des Américains et fantastique espoir de
quelques parents.
N’importe : de nos jours, que vous soyez engagé·e contre l’anatidaephobie (la phobie d’être observé par un canard), théoricien·ne des queer studies, activiste ou militant de l’intersectionnalité, chercheur en microbiote, psychiatre, diététicien, hypnotiseur, logopède, expert du corps astral ou gérant de fonds d’investissement à Wall Street, le saint Graal est que vos thèses s’appliquent à l’autisme. Certes, y parvenir tient du moment Midas, où ce que vous touchez devient or dans tous les sens du terme, mais surtout d’un instant presque mystique de mysterium tremendum, analogue à la confirmation empirique de 1919 de la relativité, voire la quête de la grande théorie unifiée pour les physiciens : faire entrer l’autisme dans son royaume, quel qu’il soit, relève, pour pasticher Nietzsche, de la plus haute espérance du chemin au grand midi.
Assurément, passagères sont ces modes. Elles n’en demeurent pas moins structurantes pour nous autres, naufragés de l’extrême-Occident. Un demi-siècle de cela, c’est à la schizophrénie que la place au foyer revenait. Toute l’érudition, le génie d’un Althusser était requis, tendu pour prouver au monde qu’il était bien fou et non point sain d’esprit. Les plus vénérés des sages alors se meurtrissaient leurs prodigieux esprits pour saisir le lieu commun secret entre la schizophrénie et l’oppression coloniale de l’impérialisme en tant que stade suprême du capitalisme, donnant de sublimes et fragiles pages à la république des lettres, oui, aux Damnés de la terre, à un Fanon, un Sartre.
Amis lecteurs, qui ce livre en vos mains tenez, plutôt que de ces altières et supernelles considérations,
c’est un silencieux revirement des flots du temps que ses pages cèlent : tandis que tant d’autres sapients traités dépeignent l’autisme de telle ou telle perspective élevée, échangent les vues des plus illustres sages ou des grands hommes laissent entrevoir le commerce, les présentes s’adressent à vous et à chacun. Plutôt que ravir d’autisme les muses du haut de l’Hélicon, d’user le menu des TSA à leurs transports, dans les présentes c’est à nul autre que vous que la fontaine de Castalie murmure.
Sagesses de vie, heureux conseils, judicieuses admonestations que j’eusse tant aimé que l’on me dît au soir de mes 18 ans. Puissent les mots de la naïade, fille d’Acheloos, commuer le salébreux chemin de vie de tant des nôtres en fleuve de l’Épire, sinon en Pactole, dont l’humanité des eaux seules de l’or le sortilège brisent.
Donnée en le quatrième jour de la lune de Mouharram de l’an 1444 de l’Hégire.

Josef Scovanec
Saltimbanque de l’autisme

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Préface d’Alexis Beauchamp-Châtel

Le livre s’adresse à un large public, incluant les personnes autistes elles-mêmes, leurs familles et les professionnels de santé. En effet, ceux-ci se doivent maintenant d’être sensibilisés à la neurodiversité et aux accommodements que peuvent nécessiter les soins donnés aux personnes autistes. Cette connaissance est particulièrement cruciale pour les professionnels ne travaillant pas majoritairement avec des personnes autistes et qui n’ont souvent pas eu de formation sur le sujet.
Au Québec, les délais d’attente sont particulièrement longs à l’âge adulte pour une évaluation diagnostique. Lorsque je rencontre des adultes se questionnant sur l’autisme, ils ont souvent attendu plusieurs années (après le diagnostic, le temps d’attente se poursuit malheureusement encore pour obtenir des services spécifiques dans le réseau public). Les personnes que je vois se demandent pourquoi elles sont ainsi, comment elles peuvent mieux vivre leurs relations interpersonnelles, comment elles peuvent être plus incluses dans la société, quel type d’aide peut leur être utile, etc. Le Manuel de l’autiste permet de répondre
à ces questions qui, autrement, ne trouvent réponse qu’à travers une littérature abondante certes, mais de qualité variable et constituée pour l’essentiel de récits autobiographiques (ou d’articles scientifiques académiques plus ou moins accessibles), qui peuvent certainement répondre partiellement à leurs interrogations, mais ne permettent pas de rassembler des connaissances aussi diversifiées et rigoureuses en un seul lieu.
Il n’existe dans le monde francophone, à ma connaissance, aucun équivalent à cet ouvrage, du fait de l’étendue des sujets discutés, de l’érudition des auteurs et de leur volonté de rendre le texte accessible. L’utilisation de vignettes crédibles et variées rend la lecture plaisante et vivante. Les chapitres correspondent aux enjeux les plus pertinents que vivent les personnes autistes que j’ai rencontrées.
Il me paraît clair que le Manuel de l’autiste aidera de nombreuses personnes à mieux naviguer à travers le monde changeant et vaste de l’autisme contemporain. Indirectement, je souhaite qu’il puisse avoir un impact sur le reste de la société en conscientisant ses membres à l’importance d’accommoder les personnes autistes et de mieux les inclure en son sein pour le mieux-être de tous.

Alexis Beauchamp-Châtel
Psychiatre et professeur adjoint de clinique au département de psychiatrie de l’université de Montréal

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Préface d’Éric Willaye

La définition adoptée dans le DSM5 n’est pourtant pas celle d’une condition « uniforme » puisqu’elle nous a fait entrer dans une perspective dimensionnelle, celle d’une problématique spectrale. Depuis le début des années 1980, moment où l’autisme a commencé à faire l’objet d’une définition dans les classifications internationales, cette question même d’une diversité des fonctionnements est présente dans le discours des cliniciens et des scientifiques. Ainsi parlait on
déjà d’un « autisme sévère », d’un « autisme nucléaire », d’un « autisme de haut niveau »… avec des débats sur la distinction de celui-ci d’avec l’autisme d’Asperger (syndrome d’Asperger).
Cette condition multiforme, même si elle fait appel à des caractéristiques communes, rend évidemment complexe la rédaction d’un ouvrage… D’autant plus lorsque celui-ci a la prétention d’être un manuel. Ce qui rend l’exercice encore plus périlleux, c’est que cette même condition est évolutive puisqu’elle s’inscrit dans ce que l’on appelle les « troubles neurodéveloppementaux ». Les personnes qui présentent un trouble du spectre de l’autisme (TSA) se développent, comme les autres, allais-je dire. De nombreuses sphères de leur développement sont perturbées, on parlait d’ailleurs précédemment d’un trouble envahissant du
développement qui exprimait assez bien cet aspect. Ce que je voulais dire, c’est que, malgré ces perturbations, les personnes ayant un TSA se développent…
… Et ce que nous ferons ou ne ferons pas pour les accompagner aura une influence significative sur leur avenir. Ceci implique que, en fonction de la situation de chacune d’entre elles, tous les âges de la vie mériteront une attention de notre communauté pour qu’elles puissent prétendre à une vie d’une qualité et d’une richesse qui en vaillent la peine.
Le Manuel de l’autiste est, sans aucun doute, un manuel pour l’autiste dans une perspective d’auto-psycho-éducation, mais aussi, et peut-être surtout, un manuel à l’usage des non autistes. Car le chemin de l’inclusion engendre autant de défis adaptatifs pour la personne qui vit avec ce trouble que pour les environnements dans lesquels elle évolue. On pourrait d’ailleurs avoir le sentiment que les environnements humains « neurotypiques » (même si ces termes sont presque indisposants) éprouvaient les mêmes difficultés en termes de théorie de l’esprit pour comprendre les fonctionnements, entre autres, socio-communicatifs des
personnes avec autisme que ces dernières pour comprendre celui des premières.
Rendre compte dans un seul ouvrage de l’entièreté du spectre de l’autisme dans une perspective longitudinale est une gageure. Les auteurs en sont conscients, c’est là l’un des grands mérites de leur ouvrage.
Bonne lecture,

Éric Willaye, PhD
Directeur général de la Fondation SUSA (Service Universitaire Spécialisé pour personnes avec Autisme)
Chargé de cours à la faculté des Sciences psychologique et de l’Éducation à l’université de Mons